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3 mars 2019

[CHRONIQUE] Symphonies populaires (The Beach Boys - Pet Sounds, 1966 / XTC - Apple & Venus vol. 1, 1999)

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La pop… Voilà bien un genre très compliqué à définir. Pour les Américains, c’est d’abord une façon de désigner toute musique commerciale : le music hall de Frank Sinatra, les groupes à succès de l’ère doo-wop , Platters, des Drifters, et autre Coasters – véritables écuries de l’industrie musicales, au service d’équipes d’auteurs compositeurs chevronnés (Leiber/Stoller) – les girls groups (Supremes de la maison Tamla Motown, au service du trio Holland/Dozier/Holland) squattant les hit parades , la surf music des Beach Boys à leur début (version édulcorée et ensoleillée du rock ‘n roll de Chuck Berry) , jusqu’aux vedettes R&B d’aujourd’hui ( Beyoncé et autre Rihanna)… Il était en effet trop tentant de profiter de la révolution rock’n roll pour ne pas en dériver une version autrement plus sucrée, en utilisant les codes (guitare/basse/batterie) sans s’interdire d’y rajouter cordes, cuivres et autres arrangements ou techniques de studio. A ce jeu là Phil Spector excellait, inventant un mur du son (appliqué à nombre de ses interprètes : Ronettes, Crystals, etc…) qui est resté célèbre et qui influencera notablement les Beach Boys.

Pourtant un grand nombre d’artistes ont montré que la pop n’est pas que cela. Comme pour tout style artistique, on y trouve ses génies et ses chefs d’œuvres, ceux précisément qui ont su aller au-delà des règles, imposer une approche personnelle, un style, un son. Brian Wilson, compositeur principal des Beach Boys est de ceux-la, et Pet Sounds est assurément son grand œuvre. Il n’est plus question de viser le Billboard mais bien d’imposer un langage musical, fait d’harmonies vocales, de jeu de timbres inventifs et de mélodies tombées du ciel… Bien sûr, les Beatles ont ouvert la voie : Rubber Soul, gorgé de trouvailles et de mélodies limpides a été le déclancheur pour Brian Wilson, qui égale voire dépasse le quatuor de Liverpool avec Pet Sounds.

Point de vue mélodie : on s’incline devant un God Only Knows chanté d’une voix d’ange par Carl Wilson, ou sur Wouldn’t it be nice, ligne en montagnes russes portée par le falsetto de Brian Wilson.

Point de vue harmonie : chaque titre est un festival d’harmonies à quatre voix (You still believe in me ; Sloop John B., Here Today, I Just Wasn’t made for these times…), et les constructions harmoniques sont plus complexes qu’il n’y parait ( évitement de cadences, accords renversés, contrepoint…des thèses ont été écrites là-dessus).

Et du point de vue des timbres, Wilson va plus loin que les Beatles : clochettes, accordéon et piano bastringue sur Wouldn’t it be nice, quatuor à cordes et vents sur Don't Talk (Put Your Head On My Shoulder) et I’m waiting for the day , ici et là clarinettes, flûtes, timpani, clavecins, percussions, vibraphones, saxophones, et moult gimmicks sonores : trains et aboiements de chiens sur Caroline No!, sonnettes de vélo et klaxons sur You Still Believe in me !

La tonalité du disque reste sombre, mélancolique (Don't Talk (Put Your Head On My Shoulder)), voire triste (Caroline, no), à l’exception du très spectorien Wouldn’t it be nice, cathédrale sonore d’ouverture. Pas très étonnant lorsque l’on connait le quotidien de la famille Wilson…

Si l’objectif de Brian Wilson était de créer le plus grand album pop du monde, il a probablement atteint sa cible… Dèrrière les Beatles répliqueront avec l’excellent Revolver, plus psychédélique et expérimental, puis avec Sergeant Pepper , dont la production est surement aussi spéctaculaire que les compositions. Puis la compétition s’arrêtera, faute de combatants. Le rock et la pop partent dans des expériences diverses et variées (rock psychédélique, heavy métal, punk rock, rock planant, stade rock, glam rock…) perdant au passage beaucoup de son innocence. Une grosse exception à cela : XTC , groupe anglais formé en 1972, qui livrera son Pet Sounds sous la forme de l’album Apple and Oranges en 1997… Grosse claque : on est vraiment très prêt de Pet Sounds dans l’esprit, avec probablement encore plus d’audace dans les constructions harmoniques, rythmiques et mélodiques… et bien sûr le confort moderne des studios multipistes.

Comme il se doit les chœurs sont légions, et l’instrumentation inventive et décomplexée. Le premier titre, River Of Orchids , donne le ton avec sa métrique complexe, ses pizzicati de cordes, sa trompette bouchée, et son millefeuille de voix en contrepoint. Ca commence fort, mais la plupart des titres sont de très haute volée : I’d like that,  cavalcade de guitares folk et voix de têtes, Knights In Shining Karma, doux comme une berceuse dans laquelle des changement de tonalité insidieux distordent la mélodie, Frivolous Tonight , Fruit Nut, ou The Last Balloon, comme sortis d’une comédie musicale vintage,

Easter Theater donne une idée de la complexité que peuvent atteindre les compositions d’Andy Partridge, la tête pensante d’XTC: le titre débute comme une petite symphonique  (glissando de cordes , basson à la Paul Dukas), puis suit un refrain entêtant très beatlesien se terminant sur une partie de guitare distordue jouant une mélodie tordue… retour de la trompette et sur le refrain solaire évoquant Penny Lane, avec un petit drone synthétique rajouté en arrièe plan (on peut penser à Steve Reich)… puis un passage en chœur digne des plus beaux passages de Pet Sounds… pour finir sur le refrain repris adlibidum, les cordes, trompettes, et cymbales se superposant… On a rarement été aussi proche de la définition des bons morceaux de pop : des symphonies de poche…

 

D'autres chroniques :

http://clashdohertyrock.canalblog.com/archives/2012/05/24/14651506.html

http://fp.nightfall.fr/index_1185_the-beach-boys-pet-sounds.html

http://www.xsilence.net/disque-3210.htm

https://www.lesinrocks.com/musique/critique-album/apple-venus-vol-1/

 

 

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