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7 janvier 2022

[CHRONIQUE] Théorie du genre (Genesis – Selling England By the Pound, 1973 / Deep Purple- Machine Head, 1972 )

 

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On a peine à croire qu’au tournant des années 70, les amateurs de rocks aient pu s’affronter en deux clans, jusque dans les cours des lycées de France et de Navarre. D’un côté, les rockers, les blousons noirs, ceux qu’on appellera plus tard les « hardos ». De l’autre les baba cools, barbus et chamarés. Ces derniers se sont opposés à la guerre du VietNam et vécu le Summer Of Love, écouté religieusement les Beatles de « Sergeant Pepper » et tous les groupes britanniques qui ont suivi : l’Ecole de Canterbury (Soft Machine, Caravan), le Pink Floyd de Syd Barrett, King Crimson, les Mothers of Invention… Les premiers ont trouvé leur salut dans une musique puissante voire violente, héritière du Helter Skelter des même Beatles, de Cream et de l’Experience de Jimi Hendrix, et par-dessus tout des erructations de Led Zeppelin. En bref, pour les babas, une appétence pour des musiques de plus en plus construites, flirtant avec tout ce que la musique compte d’expérimental (free jazz, musique contemporaine…), mais parfois des clins d’oeils naïfs à la musique baroque ou romantique : ces ostinatos de guitares, ce contrepoint, ces envolées de piano lyriques sur des dizaines de minutes… Tout ce qu’on a pu appeler rock progressif, incarné par Yes, The Nice, Jethro Tull, Emerson-Lake –and-Palmer, et donc : Genesis. Face à eux, la déferlante hard rock, venue d’une métallisation extrème du blues rock, avec ses multiples sous genres (heavy metal en tête, puis plus tard thrash métal, speed métal, hair métal…) et caractérisé par des rythmes binaires, des guitares distordues et bavardes jouées par des guitar heroes biberonnés au blues (Tomi Iommi de Black Sabbath, Jimi Page de Led Zeppelin, Angus Young de AC/DC…).

Genre : le mot est lâché. Tout comme le cinéma a ses séries B spécialisées en thrillers, gore, westerns et films érotiques, la musique a trouvé avec le prog-rock et le hard-rock des genres qui vont se spécialiser jusqu’à la caricature : plages longues comme une face de 33T pour le progressif, iconographie sataniste et tenues plus ou moins outrancières (Kiss…) pour le hard, sans parler des coiffures exubérantes de certains (Mötley Crüe)… Pour compléter l’analogie cinématographie, cette spécialisation en genres n’en a pas moins accouché de chefs d’œuvres, comme le western a donné John Ford et le film de gangster a donné Scorcese, le prog rock a donné Selling England by the pound de Genesis, et le hard rock Machine Head de Deep Purple.

Chacun de ces deux disques creuse très loin le sillon propre au genre : pour Genesis, une instrumentation foisonnante (orgue Hammond, guitares classiques et électriques, Mellotron, flûte, percussions diverses), des synthétiseurs préhistoriques (Dancing with the moonlit knight, Firth of fifth, The Cinema Show) des morceaux à rallonges (The Battle Of Epping Forest, The Cinema Show), structurées en moult parties, ajouter à cela des textes recherchés portés par la voix magique de Peter Gabriel (I know what I like), qui apparaissait sur scène maquillé et déguisé au gré des morceaux. Tout y est, moins la naïveté des premiers albums de Genesis ni l’auto-suffisance de certains groupes type ELP. Côté Deep Purple, des riffs biens lourds quoique célébrissimes (Smoke On The Water), des guitares ultra saturées et jouéees très thrash sur lesquelles un groupe comme Metallica ont bâti une carrière (Highway Star, Space Truckin’) du blues (Never Before) ou des ballades (When a Blind Man Cries) …

Mais il y a un mais. Malgré ces différences bien marquées, à y regarder de plus près, ces clivages apparente cachent une réalité autre. Dans ces galops guitaristiques (Dancing with the moonlit knight, Picture of Home), ces jeux de toms ultra précis (Space Truckin’, Picture Of Home), on trouve bien plus de points communs qu’on pourrait y penser d’abord. Une virtuosité tout d’abord. Musicalement, ces gars ne sont pas des manches. Côté Genesis : Phil Collins, un des deux meilleurs batteurs de tout les temps, Tony Banks , qui jouait Ravel et Rachmaninoff enfant, ou Mike Rutherford qui débuta la guitare à 8ans. Sans parler de Steve Hackett, l’anti guitar hero autodidacte doué d’une technique digne des meilleurs joueurs de flamenco. Côté Deep Purple, on n’est pas en reste, leur quintette de 1973 est le plus homogène de l’histoire du groupe, autour de Ian Gillan dont le grand père était chanteur d’opéra, Jon Lord, virtuose des claviers qui commença à 5 ans, ou de grands techniciens comme Ritchie Blackmore, aux phrasés tantôt blues tantôt classqiuess, Roger Glover (basse) ou Ian Paice, batteur autodidacte mais O combien influent.

Cette formation et ce goût pour la musique classique se retrouve indistinctement dans les compositions constituant les deux albums.   On y retrouvera des rythme pulsés et des descentes de gamme en droite ligne de Jean Sébastien Bach (Highway Star, Dancing with the Moonlit knight, Firth of fifth), des solos d’orgues virtuoses et furibards (Highway Star, Pictures Of Home, Space Truckin’), ou des entrelacs subtils de guitare et d’orgue (Maybe I’m a Leo, Lazy, The Battle Of Epping Forest). On y entendra aussi des effets dynamiques et une instrumentation proches d’un orchestre symphonique ou des cordes pincées venues de la renaissance (After the Ordeal).

Comme l’a déclaré R. Blackmore au sujet de Highway Star : « I wanted a very definite Bach sound, which is why I wrote it out—and why I played those very rigid arpeggios across that very familiar Bach progression—Dm, Gm, Cmaj, Amaj. I believe that I was the first person to do that so obviously on the guitar, and I believe that that’s why it stood out and why people have enjoyed it so much”… Il y a donc un chaînon manquant entre Bach et Metallica.

Au final, ces deux albums sont un délice pour les oreilles et les amateurs de virtuosité technique. Mais c’est peut être aussi la limite de l’exercice : on est bien loin de la spontanéité initiale du rock des années 50/60. Quelques années plus tard, les punk renverront dos à dos hardos et hippies en imposant un retour aux sources, un rock direct et sans fioriture (qui lui-même ne fera pas forcément long feu).

 

D'autres chroniques : http://www.leseternels.net/chronique.aspx?id=18429

http://www.leseternels.net/chronique.aspx?id=390

http://fp.nightfall.fr/index_1063_genesis-selling-england-by-the-pound.html

http://fp.nightfall.fr/index_3527_deep-purple-machine-head.html

 

 

Deep Purple - Lazy (live 1972) , un morceau de bravoure

 Deep Purple - Smoke on the Water (live 2007) enregistré à Montreux, comme le disque original

Genesis - Dancing with the Monnlit Knight (live 1973)

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