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8 janvier 2022

[CHRONIQUE] Les Zazous de la pop (Steely Dan -The Royal Scam, 1976 / Joe Jackson - Night and Day, 1982)

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Issu d un même ancêtre - le blues - le jazz et le rock ont toujours eu des relations compliquées. À l apparition du rock n' Roll dans les années 50 , le jazz, musique de zazous, pris même un petit coup de vieux. Il devint la musique des adultes, celle qui s écoute sur une chaine stéréo quand les boomers qui étaient alors baby passaient eux leurs 45T d’Elvis ou des Shadows sur des Teppaz... Il en devint bavard, savant, voire chiant ( le hard bop, le free jazz, le jazz fusion, jusqu à l académisme d'un Marsalis). Le grand gourou Miles Davis tenta bien une réanimation en y introduisant les instruments électriques du rock: rien n' y fit, le jazz-rock était bien plus du jazz que du rock et se perdit en boursouflures (Mahavishnu orchestra, Return To Forever, etc...), Le jazz finit par devenir une musique pour musiciens, qui ne jurait que mode mixolydien ou polyrythmie. L’ affaire paraissait donc pliée lorsque certains petits futés entreprirent la méthode inverse : insuffler dans la pop les marqueurs du jazz. 

C’est précisément ce qu on trouve chez Steely Dan. Derrière le son soft rock léché de leurs productions, derrière les paroles cryptiques très AOR (Adult Oriented Rock), on trouve de très gros morceaux de jazz. Par exemple dans the Royal Scam (on aurait pu aussi choisir aussi dans la discographie de Steely Dan The pretzel Logic avec sa reprise de Duke Ellington, ou le très acclamé – disque de platine - Aja) on trouvera : des claviers électriques Fender Rhodes ou autre en pagaille (Kid Charlemagne, The Fez, Green Earrings) , une section de cuivre omniprésente du piano ragtime et des vibraphones (The Caves of Altamira, Sign In Stranger), des trompettes bouchées (The Royal Scam) et une fine lame de la guitare jazz – Larry Carlton (Kid Charlemagne, Don't Take Me Alive, Everything You Did, The Royal Scam) .

A l’écoute, même un non musicien le sent, c’est bien de la pop – ou du soft rock , comme on voudra cf. le riff d’intro de Don't Take Me Alive– mais on entend bien ce truc en plus , ces rythmiques chaloupées (cette section rythmique ! Il faut l’ écouter seule, on est très loin d’un groupe rock), ses harmoniers raffinées – des septièmes, des neuvièmes, des treizièmes – what else. Sans oublier des choristes jazz-soul à tous les coins de l’album, qui apparaissent comme des ponctuations (Kid Charlemagne, Don't Take Me Alive, Green Earrings, Haitian Divorce, The Royal Scam), apportant une chaleur à une prise de son tellement précise qu’elle pourrait devenir clinique.

Seul petit problème pour l’auditeur non bilingue : on n’est pas chez ZZ Top à parler de filles et de bagnoles. Ici les sujets sont beaucoup plus pointus : le business des acides lysergiques (Kid Charlemagne), l’art rupestre (The Caves of Altamira) – à moins qu’il ne s’agisse d’une métaphore ? , une farce conjugale (Haitian Divorce), l’immigration portoricaine (The Royal Scam)…

Joe Jackson aussi s’est vite trouvé à l’étroit dans la pop. Night and Day est pour lui l’occasion de déménager sa hargne punk et ses capacités mélodiques à New York, plutôt côté 52eme rue ou Spanish Harlem. Rien que le titre : Night and Day, est un emprunt à Cole Porter. Le cadre est mis dès l’intro de percussions latino (Another World), certains ont appelé ce genre de la popsalsa ! L’album est un festival de rythmes latins: riffs mambo ou salsa au piano, congas, section de cuivre, pianos électriques (Another World , TV Age, Target, Cancer), saxophone joué par Joe himself (TV Age) parfois un synthé discret ajoutant une touche orientale (Chinatown) ou un orgue Hammond B3 (A Slow Song)…Même si on croirait entendre jouer Ray Barretto ou Tito Puente, on est loin du pastiche, chaque morceau recellant une trouvaille du futé Joe.

 On passe de la salsa à des tempos plus lents, avec au détour du disque un titre intemporel au groove inoubliable : Steppin’Out. Tout cela swingue, avec une approche plus brute – moins intellectuelle ?- que chez Steely Dan : on est plus dans un club que dans un studio … Et Joe Jackson impulse systématiquement une énergie, une créativité et une conviction qui rend l’album passionnant, malgré ses quelques limitations vocales très pardonnables.

Bref, deux exemples de greffe réussi de rythmes et d’harmonies jazz sur de la pop sophistiquée et intelligente, par d’excellents stylistes qui réussissent à ne jamais tomber dans le cliché. Par-dessus le marché, ces albums se vendirent comme des petits pains à une époque plus portée sur le disco et la new-wave. Un genre original que l’on n’a pas tellement revu depuis.

 D'autres chroniques :

http://fp.nightfall.fr/index_123_joe-jackson-night-day.html

http://clashdohertyrock.canalblog.com/archives/2011/04/26/20972041.html

 

 Kid Charlemagne (Steely Dan) décortiqué par Rick Beato

 

Joe Jackson, Steppin'Out en live (1982). Tintin en playback.

 

 Steely Dan - The Caves of Altamira 

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