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7 juin 2015

[CHRONIQUE] Héros de la six cordes (Santana - Abraxas, 1970 / J.J. Cale - Naturally, 1971)

abraxas

naturally

 

Gibson Les Paul et SG, Flying V, Gretsch, Fender Stratocaster ou Telecaster, Rickenbacker...Le rock a fait entrer la guitare électrique dans la légende, à moins que ce ne soit le contraire. En rendant cet instrument mytique, il en a aussi créé ses héros - les bien nommés guitar heroes : de Chuck Berry à Hank Marvin, de Jimmy Page à Eric Clapton, les années soixantes se peuplent d'une mythologie complète, avec à sa tête le révéré Jimi Hendrix. A la croisée du blues et du rock psychédélique, ce surdoué fusionne tous les styles de son époque, et les dépassent par sa virtuosité, révolutionnant la pratique de l'instrument. Si Pete Townsend ou Ike Turner se sont déjà essayés à la distorsion, Jimi exploite tous les effets possibles et imaginables : fuzz, echo, wah-wah,... tout y passe, rendant aujourd'hui certains de ses exploits pyrotechniques un peu démonstratifs , voire datés. Devenu artiste culte à sa mort en 1970, il fut à la guitare ce que fut Paganini au Stradivarius: son virtuose ultime, avec les défauts de ses qualités, c'est à dire souvent une technicité qui prend le pas sur l'émotion.

Pourtant, on peut maîtriser sa six cordes comme un Dieu et n'en être pas moins homme : c'est un peu ce qu'on démontrés chacun à leur manière le chicano Carlos Santana et l'Okie J.J. Cale.

Pour le premier, la guitare est plus un moyen qu'une fin. Portant peu d'intêret à la collection d'instruments fifties triés sur le volet , comme un Mark Knopfler par exemple, il affectionne plutôt une banale Yamaha SG. Mais il faut entendre la façon dont il l'exploite, faisant surgir un feeling que peu d'autres guitaristes égalent. Dans le second album du groupe Santana, Abraxas, il est question d'une fusion originale de rock et de rythmes latino, segur. Mais cette formule, qui a fait la gloire de la formation à Woodstock, serait resté une simple anectode sans le jeu kaleidoscopique du grand Carlos : sensuel et langoureux sur Samba Pa Ti, tendue et incisive sur Oye Come Va, énergique et funky sur Hope you're Feeling Better, à la fois chaloupé et distordu sur Black Magic Woman. Toujours juste et sans esbrouffe, avec parfois un sens du silence très Miles Davissien.

Mais soyons juste, Abraxas vaut aussi pour tout le reste, en particulier cette instrumentation chatoyante trouvant un bel équilibre entre le rock psychédélique et salsa. Les ambiances y sont hypnotiques (Singing winds, Crying Beasts) ou tribales (El Nicoya), quand elles ne lorgnent pas sur un jazz rock naissant (Incident at Neshabur). Les congas sont omniprésentes, l'orgue Hammond colore la plupart des morceaux, les pianos électriques interviennent à propos, les lignes de basses y sont magiques. Un grand album des seventies.

Si Carlos Santana est un sorcier de la six cordes, J.J. Cale est son grand sage. Reclus dans l'Oklahoma, après des années passées dans des groupes de blues obscurs, le succès obtenu par Clapton avec une de ses compositions (le délicat After Midnight) incite l'industrie musicale à lui faire enregister un album solo : ce sera Naturally, qui inclut After Midnight. Comme tous les albums longtemps mijotés, c'est une carte de visite, riche en compositions inoubliables : le très alerte Call Me The Breeze, et ses petites fioritures de Strat négligemment assénées, le nostalgique et sublime Magnolia, le nonchalant Crazy Mama et sa wah wah timide, le crépusculaire Crying Eyes, ce sont tous autant de classiques puisant dans le blues, la country (Clyde), le cajun, la folk, c'est à dire un vrai Jambalaya des musiques du Midwest, parfaitement redigérées par le génial JJ.

La plupart du temps , ces morceaux sont d'ailleurs de petites miniatures, illuminées non par des solos flamboyant comme chez Santana mais plutôt par un jeu subtil d'appel / réponse , de petites phrases de guitares répondant à la voix traînante de Cale, murmure plutôt que chant (Call the doctor, Don't go to strangers). Son influence sera énorme sur Clapton, qui reprendra Cocaine d'un futur album, en faisant un nouveau tube, et sur Mark Knopfler - c'est le son de JJ Cale qu'on retrouve sur l'album éponyme de Dire Straits. Leur puissance d'évocation est grande, au gré des morceaux , on est dans un saloon du Deep South, en virée dans un pick up sur des routes empoussiérées de l'Oklahoma, sur une terasse à se balancer dans un vieux rockin chair. Le soleil se couche, JJ Cale fredonne en grattant quelques note sur sa guitare cabossée... pas besoin d'être une grande gueule pour s'imposer comme un grand.

Clyde plays electric bass
Plays it with finesse and grace
Sit on the porch without no shoes
Picking the bass and singing the blues
Misery loves company
And his old dog sings harmony

 Une autre chronique d'Abraxas ici : http://clashdohertyrock.canalblog.com/archives/2012/05/26/16860454.html

Une autre chronique de Naturally ici : http://www.destination-rock.com/albums/album-naturally.html

 Un The Breeze d'anthologie, JJ Cale avec Eric Clapton

 Santana : Samba Pa Ti, live 1970

 Santana : Oye Como Va (1970)

 

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