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9 novembre 2014

[CHRONIQUE] Les enfants d'Eno (U2 - The Unforgettable Fire, 1984 / James - Laid, 1993)

unforgettable fire

laid

 

 

Après son départ de Roxy Music, Eno entame un double carrière d’expérimentateur et de producteur. De la première, on retiendra plusieurs albums inaugurant un style complètement nouveau fait de sons d’ambiances, ou plutôt de paysages sonores, comme par exemple Music for Airports, faisant de lui un nouvel Eric Satie. Ce style, plaçant la texture sonore par-dessus mélodie ou harmonie, Eno l’appliquera à ses productions des années 70, comme les Talking Heads, mais plus encore à U2, à partir de l'album The Unforgettable Fire. Attention, on est toujours bien dans le domaine du pop rock, mais Eno y amène quelque chose de plus. A commencer par la guitare de The Edge, le pseudo autodidacte respondable de la six cordes du quatuor irlandais biberonné au punk rock et à la Guiness, et émule de Television. Dès le premier titre (A Sort of Homecoming), une guitare hachée menue menue se confronte à un mur de son tandis que surgit la voix surnaturelle de Bono, qui passe en quelques mesures d'intonnations soul veloutée à des envolées typiques de ce que l’on appellera « héroïque ». On rêve d’une intro comme ça sur un album, histoire de bien mettre le décor en place (à noter : Peter Gabriel et Chrissie Hynde dans les chœurs). Le titre suivant, Pride, n’est rien de moins qu’un des titres les plus mémorables de la discographie de U2 – aux côtés de One ou de Where the streets have no name - un des plus lyriques tout au moins, avec toujours cette guitare déstructurée qui fait la marque de l’album. C’est notamment ce titre qui propulsera U2 dans le club des groupes de stade, en faisant un successeur crédible des Rolling Stones, le contenu des textes en plus – Pride est une ode à Martin Luther King, de même que le morceau de cloture de l’album.

Sur les titres suivants, c’est toujours cette combinaison entre la voix énorme et féline de Bono (Bad), la guitare tantôt écorchée (The Wire), tantôt atmosphérique et toute en écho et arpèges brillants (4th of July, Bad) de The Edge et la section rythmique massive (Elvis Presley and America) qui impressionne. Le tout souligné de traits brumeux de synthétiseurs Fairlight (4th of July, MLK), juste ce qu’il faut – on n’est pas chez Simple Minds,  non plus.

Cet équilibre, donnant à l’album toute son homogénéité, ne transparait pas mieux que dans la chanson titre, The Unforgettable Fire, donc. Un des titres les plus aboutis du rock des années 80, rien de moins. La structure du morceau elle-même sort des schémas habituels, avec plusieurs thèmes lancés, démarrant par des sons éthérées et guitare cristalline papillonnante émergeant des brumes irlandaises, basse trappue en sus, batterie sans faute,  Bono exhalté serpentant sur une mélodie sinueuse et finalement pas si évidente, jusqu’à un pont au Fairlight de toute beauté (on croirait parfois que Vangelis s’est mis au rock).

 Bien sûr, tous les groupes produits par Eno n’ont pas forcément eu le succès phénoménal de U2. L’un d’eux, James, opérant à Manchester (patrie des Smiths et de New Order) peut même être considéré comme le mouton noir du rock des années 80. Avec un chanteur chamanique (Tim Booth) soutenant le camparaison avec Bono pour son expressivité, une grande musicalité ( huit musiciens) et des références dans le songwriting à la Leonard Cohen, ils approchèrent le succès (albums Goldmother, Seven) sans jamais décrocher la timbale. Pis, ils eurent en première partie des petits jeunes, Nirvana, Radiohead ou Coldplay, de quoi enrager au vu des performances commerciales de ces formations…  Avec l’album Laid, ils ont pourtant livré une œuvre du même niveau que the Unforgettable Fire. Là où la collaboration de’Eno avec U2  a propulsés ces derniers en orbite, elle fut interprétée dans le cas de James comme un repli sur des conceptions arty par le public du moment, plus attiré par les rythmes groovy de la mode Madchester (Primal Scream, …).

Pourtant entre The Unforgettable Fire et Laid, les points communs abondent : ainsi le titre d’ouverture, Out To Get You est un parent proche de Promenade (sur ‘album de U2) : même tempo ralenti, chant confidentiel, textures de guitares légères comme du Moiré,…

Sur Laid également, c’est l’homogénéité de la production, l’utilisation partimonieuse et logique des nombreux instruments pour donner cette sensation de son boisé et d’équilibre dans l’espace. Ainsi dans « Out To Get You », l’entrée en scène progressive des mandolines, kick drums et violons jusqu’au final explosif. Dans « Dream Thrum » la guitare The edgienne répétant une boucle avant l’entrée d’un Tim Booth très en voix, puis à nouveau le tandem mandoline/violon, enfin une touche d’orgue pour arriver à une espèce de mur du son acoustique.

Certains morceaux sont plus dans  l’air du temps « indie rock » mais garde un charme et une personnalité originale : ainsi le bavard et énergique « Sometimes », l’exalté  « One of the Three », ou « Say Something » acoustique et groovy… Tim Booth livre une grande performance vocale tout au long de l’album (« PS », « Say Something », « Laid »). Le titre final, « Skindiving », sonne plus expérimental, Booth chantant en voix de tête sur fond de nappes synthétiques et de rythmes electro, presque en précurseur de Sigur Ros.

Mais l’équivalent du titre The Unforgettable Fire, c’est Five-0, une sublime ballade de cinq minutes , commençant sur des accords d’orgue Hammond , avec l’empilement caractéristiques et successif de strates d’instruments et de textures : guitare folk en boucles, violons, guitare slide,  chœurs, nappes synthétiques ;couronné par un magnifique final empilant un solo de guitare électrique et un solo de violon. Texture . Ambiance . Eno’s touch.

 

une chronique de Laid : http://allmusic.com/album/laid-mw0000104526

une chronique de Unforgettable fire : http://www.gutsofdarkness.com/god/objet.php?objet=11882

u2 chantant Pride lors de l'investiture d'Obama :

 The Unforgettable Fire :

James , Sometimes, au top de la pop:

James , très bon live d'époque (PS et Five-O sublime):

 

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